Lorsque l’on fait des études qualitatives sociomarketing, il faut dire que l’on est bien placé pour observer notre société : ses mutations, ses phénomènes et ses tendances. Et ce que l’on a remarqué récemment chez SENZO, c’est l’usage massif et dans toutes les bouches de l’expression « du coup ». Jetons ensemble un rapide coup d’œil sur ce phénomène !

Des « du coup » à toutes les sauces, dans toutes les phrases, dans nos études qualitatives et au-delà

Attisés par notre curiosité – après avoir retranscrit (pour nos analyses qualitatives) un énième entretien parsemé de « du coup » – nous faisons ni une ni deux, entre midi et deux, une petite recherche sur la question. Nous nous rendons vite compte que sur Google (ou Ecosia, plus écolo) le sujet fait couler beaucoup d’encre (numérique). Nous ne sommes donc pas les seuls à être interloqués par ce tic de langage. Et si cela n’est pas encore votre cas, comptez seulement le nombre de « du coup » lors de votre prochaine discussion ou d’une quelconque intervention télévisée. Vous risquez d’être surpris.

« Du coup, on va à quelle heure au cinéma ? », « T’en a pensé quoi du film, du coup ? » « J’ai trouvé l’histoire très émouvante et la BO magnifique, du coup j’ai beaucoup aimé »

On retrouve l’expression partout, en début, milieu et fin de phrase, comme amorce ou transition. Il est vrai qu’elle est particulièrement pratique car elle a cette capacité incroyable de pouvoir remplacer presque toutes les conjonctions adverbiales et locutions. Plus besoin de s’embêter avec les nuances… « du coup » marche à tous les coups.

Pourtant, l’Académie Française souligne qu’à l’origine l’expression a bien une existence propre et n’est donc pas incorrecte. Elle peut s’utiliser au sens propre, pour parler d’un coup porté à quelqu’un ou quelque chose : « Un poing le frappa et il tomba assommé du coup ». Elle peut aussi servir à exprimer la conséquence et la simultanéité, en tant qu’équivalent sémantique de la formule « aussitôt » : « Il est tombé, du coup il a hurlé de douleur ».

L’usage de « du coup » : un tic de langage bien français qui touche tous les publics

« Du coup », admettez-le, vous l’utilisez vous-même tout le temps… et en réalité c’est bien « normal » car c’est l’usage. Car si son utilisation est a priori d’origine populaire, il semble en effet qu’elle touche tout le monde sans distinction de classe sociale ou de capital culturel, comme nous avons pu nous-même l’observer auprès des différents publics enquêtés pour nos études qualitatives.

L’utilisation de l’expression est à ce point là devenue massive dans notre langage qu’elle permet de nous distinguer des autres francophones au Canada. Un article de Brain Magazine souligne ainsi que ce tic de langage est devenu le symbole des Français qui se sont installés au Québec et que certains canadiens vont même jusqu’à nous appeler « les du coup ». Ils ont ainsi trouvé de quoi se venger de nos mauvaises blagues sur leur accent ou sur l’originalité de leur vocabulaire en franglais. « Du coup » is the new « Tabernacle ».

SENZO études qualitatives décode le phénomène "du coup"

De quoi l’expression « du coup » est-elle le symptôme et est-ce bien grave ? Que signifie-t-elle du point de vue de l’analyse qualitative ? 

À première vue les tics de langages, ce n’est pas bien grave, même s’ils en agacent plus d’un (pour raison personnelle ou à force d’analyse qualitative). Un tic c’est avant tout une expression involontaire et inconsciente. Il participe à créer une communauté linguistique autour de ceux qui l’utilisent, à l’exclusion des autres. Dans le cas de « du coup », il semble que cette communauté soit particulièrement importante…

Toutefois, nous sommes d’avis que cela ne doit pas nous empêcher de nous questionner sur leurs usages et leurs effets. Ainsi, « du coup », au même titre que d’autres expressions stéréotypées, témoigne d’une uniformisation de notre langage et donc d’une perte de sens. Ça n’a l’air de rien mais dans notre métier par exemple cela rend l’analyse qualitative des propos des enquêtés moins évidente.

Plus embêtant encore, selon l’écrivaine Claudine Chollet, l’utilisation de l’expression « du coup » peut s’apparenter à de la manipulation intellectuelle. Elle affirme ainsi que :

« l’expression “du coup”, utilisée à propos de faits ou d’idées souvent dérisoires, est un syllogisme qui se prévaut de l’accord implicite de l’interlocuteur.
Ex. : “Ces articles étaient en soldes, du coup j’en ai pris trois…” Le “du coup” suppose l’interlocuteur convaincu de la légitimité de ces achats. En réalité, celui qui emploie ces mots vise à se faire plébisciter : en obtenant l’approbation de l’interlocuteur, il fait comme s’il obtenait sa bénédiction pour tous ses actes.»

Peut-être est-il alors possible de faire quelques efforts pour tordre le coup à l’expression « du coup ». Pour cela, le plus simple reste encore de tenter de la remplacer par les mots que l’on connaît déjà et que l’on oublie d’utiliser : donc, par conséquent, de ce fait…

Pour élargir les points de vue sur le sujet :

Chez SENZO, comme nous aimons bien mélanger les expertises et les points de vue sur un sujet, nous vous recommandons l’écoute de cette émission qui fait intervenir une linguiste, un journaliste, un écrivain et une sémiologue sur la question des tics de langage : https://www.franceinter.fr/emissions/grand-bien-vous-fasse/grand-bien-vous-fasse-03-janvier-2019

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